CHLOÉ DOUTRE-ROUSSEL, EXPERTE CACAO

Le temps d'une interview, Chloé Doutre-Roussel, nous dévoile la culture Bean-to-Bar ainsi que le monde qui entoure cette philosophie.

CHLOÉ, POUR VOUS, QU'EST-CE QUE LA CULTURE, LA MÉTHODE BEAN TO BAR ?

Le bean-to-bar une nouvelle philosophie de fabrication de chocolat, née dans les années 2000 aux USA. C’est un retour à la pureté, à la simplicité du chocolat. Comme au siècle dernier, juste du cacao et du sucre.

Mais un grand cacao, un cacao avec une histoire, une éthique, une belle palette aromatique et juste ce qu’il faut de sucre pour laisser fleurir ses arômes. C’est prendre le temps de faire, le temps de comprendre chaque détail de transformation, l’alchimie de la transformation de la fève de cacao à la tablette. C’est un travail d’orfèvre. C’est travailler des fèves de grande qualité et fabriquer des petits volumes. Rien n’est laissé au hasard pour donner naissance à un chocolat de très haute qualitéC’est LA priorité de la méthode Bean to Bar, notre obsession !

La méthode Bean to Bar combine le meilleur du siècle dernier et le meilleur des temps modernes pour donner naissance à un tout autre style de chocolat. Un grand chocolat. C’est une renaissance du chocolat. Une renaissance qui fait évoluer et améliore tous les maillons de la chaine du producteur au consommateur : la génétique des plantations, le travail post récolte, la diversité et qualité du cacao sur le marché, le prix du cacao, le prix de la tablette… et le palais du consommateur.

 

 

QUELLES SONT LES SPÉCIFICITÉS DE LA CULTURE BEAN-TO-BAR ?

Dans la culture Bean to Bar, on cherche des valeurs de traçabilité et de transparence. On parle plus de cacao, du producteur et du savoir-faire du fabriquant. Un peu comme les Japonais qui rendent hommage à leurs ingrédients et aux Maîtres-artisans. 

 

QU'EST-CE QUI DIFFÉRENCIE LA CULTURE BEAN-TO-BAR DES AUTRES CULTURES DE CHOCOLAT ?

La plus grande différence se situe au niveau de la qualité de la fève. Pour un grand chocolat, il faut un grand cacao. La culture Bean-to-Bar cherche à révéler la fève de cacao, à laisser fleurir sa personnalité, on prend le temps de chercher la bonne fève avant de « produire-pour- vendre ».

On trie les fèves, pour ne sélectionner que les meilleures. Ensuite, on les accompagne, on les regarde, on les goûte, on les écoute. On ne veut plus masquer les fèves, mais on veut les révéler. Révéler leurs côtés délicat, complexe…et on les torréfie doucement.

On a tenté de cacher le goût de la fève pendant des années, pour masquer les défauts des fèves de mauvaise qualité. On fait aussi vieillir les blocs de chocolat comme un grand vin pour parfaire les arômes. Et c’est seulement au moment de fondre le chocolat pour le tempérer, que les différents métiers du chocolat se retrouvent. Ici seulement commence celui du chocolatier confiseur.

COMMENT EST ORGANISÉE LA CULTURE DU BEAN-TO-BAR ?

Au départ, le Bean-to-Bar est une philosophie généreuse. Les créateurs des marques Bean-to-Bar aimeraient pouvoir tout faire ! Aller voir les producteurs, travailler main dans la main avec eux et faire le chocolat. Mais Ils se rendent vite compte qu’ils n’ont ni le temps ni l’argent. Quand on sait qu’il faut environ 5 jours de travail entier pour faire 60 kg de fèves pour une marque de Bean-to-Bar versus 1 jour de travail pour faire 500 kg dans les grosses marques de chocolat, ça laisse peu de temps pour faire tout le reste.

Des nouveaux métiers sont alors apparus et les marques de Bean-to-Bar travaillent avec des sourceurs ou traders en ligne qui partagent leurs valeurs d’éthique, de transparence et de qualité.

 

QUELS SONT CES NOUVEAUX MÉTIERS ?

Les speciality cacao traders-sourcers par exemple. Ils connaissent les marques de Bean-to-Bar et leurs besoins. Ils travaillent avec les producteurs à qui ils achètent le cacao fraîchement récolté pour gérer eux mêmes la rigueur de la fermentation et du séchage, des étapes essentielles pour une fève de qualité. Car malheureusement beaucoup de producteurs savent produire mais ne cherchent pas à faire de la qualité. Et les payer plus pour travailler mieux ne change pas leurs façons de travailler, de vivre, malheureusement. Alors les speciality cacao traders-sourcers ont pris la relève juste après la récolte.

Les grandes marques traditionnelles de chocolat, elles, s’approvisionnent chez les grands traders traditionnels, souvent sur catalogue. Dans les nouveaux métiers, il y a aussi les nouvelles boutiques spécialisées Bean-to-Bar, aux USA surtout, les festivals de chocolat Bean-to-Bar dans les pays producteurs, et les concours de cacao et de chocolat.

 

QUEL EST VOTRE RÔLE AUPRÈS DES ACTEURS DU BEAN-TO-BAR ?

J’en ai plusieurs. J’ai commencé par éduquer les consommateurs. Mes premiers cours de dégustation de chocolat datent de 1997 ! Et je continue de faire découvrir les différentes qualités et styles de chocolat dans le monde entier. Je fais du coaching pour les marques, du conseil en stratégie, du développement de produits, de la formation du personnel.

Je sélectionne aussi pour les marques, les fèves de cacao. J’accompagne des producteurs pour intégrer la notion de qualité pendant toutes les étapes de la production et j’analyse pour les producteurs, les traders et fabricants de chocolat qualité, les différentes qualités de cacaos et de chocolats. Je suis connue pour mon franc parler et la droiture de mes valeurs. Je suis un peu un garde-fou, je fais beaucoup de rappels à l’éthique.

 

QUELS SONT LES POINTS À AMÉLIORER CONCERNANT LA CULTURE BEAN TO BAR ?

Le Bean-to-Bar a explosé dans le monde ! Il y a donc, aussi, de la fraude et du mensonge chez certaines marques. Il faudrait des fondations et des associations, pour que des producteurs aux consommateurs, on éduque et régule le marketing « l’art de vendre » mais aussi pour accompagner les gens et leurs palais à reconnaitre les chocolats, les bons. L’éducation, l’information et la collaboration sont les clés du développement du mouvement Bean to Bar. Il faut surtout montrer par l’exemple je pense. Car le système anti-fraude, généralement, ça ne marche pas. En amont, dans les plantations de cacao, il faut aussi améliorer la qualité et la transparence : récolter les fruits sains et mûrs, optimiser le développement de la qualité aromatique dans les étapes de fermentation et de séchage, trier le cacao avant d’envoyer aux fabricants de chocolat, s’assurer de la traçabilité de chaque sac, Et stimuler la collaboration entre les acteurs du Bean-to-Bar. Tout le monde y gagnera.

 

LES MARQUES DE CHOCOLATS TRADITIONNELLES SE SENTENT-ELLES CONCERNÉES PAR LA CULTURE BEAN-TO-BAR ?

Il y a deux types de marques : celles qui fabriquent leur chocolat à partir de cacao et celles qui achètent le chocolat prêt à fondre (la grande majorité).

En Europe, ces marques ont été très lentes à accepter que ce mouvement n’était pas juste une petite mode insignifiante mais une importante tendance internationale. Cette tendance redéfinit non seulement les choix des consommateurs mais aussi la diversité et le prix des cacaos que les fabricants achètent.

De nombreux chocolatiers confiseurs commencent à avoir mauvaise conscience sur leurs façons de faire et s’équipent de matériel pour faire du chocolat Bean-to-Bar. Donc oui les marques sont conscientes qu’il y a un marché et veulent changer ou créer des nouvelles gammes. C’est une époque charnière pour le chocolat !

 

QUELLE EST LA PLACE DES FEMMES DANS LA CULTURE DU CACAO ?

Sur le continent Américain, ce sont les femmes qui sont essentiellement dans les plantations de cacaos. Les hommes s’occupent des tâches lourdes. Globalement la répartition est assez bien faite sur toute la chaine, 50/50, mais c’est essentiellement les femmes qui prennent la parole sur le chocolat.

 

QUEL GESTE FORT PEUT-ON FAIRE AUJOURD'HUI POUR ACCOMPAGNER LE DÉVELOPPEMENT DU BEAN-TO-BAR ?

L’avenir du BTB est dans les mains du consommateur ! Dans leurs capacités de percevoir avec leurs palais, combien ce type de chocolat est différent. Comprendre la philosophie, percevoir la qualité et acheter ces chocolats, c’est soutenir ce mouvement, c’est multiplier les chances de vivre dans l’avenir des expériences sensorielles inédites, grandioses. S’éduquer pour faire confiance à son palais, mais aussi vérifier ce que racontent les marques, les contraindre à la transparence et aux évidences.

Car attention, Bean-To-Bar n’est pas synonyme de qualité pour toutes les marques. C’est aussi au consommateur de reconnaître les bons, et par l’acte d’achat (ou non achat) de soutenir les meilleurs seulement. Comme des grands vins, fromages, huiles d’olive, et tant d’autres produits gourmets, ils sont plus chers et plus longs à produire, et bien plus intéressants, complexes, intenses et longs en bouche que les autres chocolats…donc plus chers.

C’est le consommateur qui a le pouvoir de faire changer les choses. Il faut que le marché continue de fleurir, que les gens s’éduquent et que les marques soient plus transparentes. Les opportunités de bien faire sont là ! C’est une chance.

 

SI LA PHILOSOPHIE DE LA CULTURE BEAN-TO-BAR ÉTAIT 1 MOT ?

1 mot serait impossible, mais s’il faut je dirai : qualité. Un chocolat sublime qui transporte, un chocolat absolument délicieux.

 

POURQUOI FAUT-IL PRIVILÉGIER LA CULTURE BEAN-TO-BAR ?

Pour un monde meilleur, pour améliorer le niveau de vie des producteurs, pour stimuler la diversité et pour notre plus grand plaisir à tous !

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